Marie-Madeleine Chevalier-Duruflé

8 mai 1921 - 5 octobre 1999

[Extraits des souvenirs familiers d’Eliane Chevalier]

C’est en 1938 que Marie-Madeleine Chevalier rencontre pour la première fois Marcel Dupré. C’est sans doute l’événement le plus important de sa vie puisque toute son existence va en être transformée. Elle a 17 ans. Jusque là elle n’a pas eu de vrai Maître. Bien sûr, ses dons musicaux ont été reconnus dès son enfance lorsque sa grand-mère, modeste professeur de piano à Cavaillon (presque elle-même autodidacte), la met au clavier ... Elle a 6 ans. Elle l’éblouit par ses facilités étonnantes, sa virtuosité lui permettant aussitôt de jouer dans des mouvements endiablés sans qu’aucune technique lui soit inculquée ... Gammes et arpèges, cadences dans tous les tons s’enchaînent ... Le professeur donne tout ce qu’il peut donner et tout est assimilé de façon éblouissante, la petite fille ayant, de plus, un esprit inventif qui lui permet de tout transformer, transposer, ajoutant formules et difficultés à tout ce qui lui est proposé. A 7 ans, elle compose ; à 8 ans, elle accompagne quelques bons musiciens de Cavaillon (clarinettiste, altiste, violoniste) avec lesquels elle joue des oeuvres de Weber, Mozart, Schumann ... Elle déchiffre et retient aussitôt par coeur ... Pendant l’année de ses 10 ans, elle passe 8 mois à Paris et découvre Bach avec Marie Dhéré (qui fut le premier professeur de Jacques Ibert) et le solfège supérieur avec Madame Samuel-Rousseau dont le cours réputé prépare directement au Conservatoire Supérieur de la rue de Madrid et aux classes d’harmonie (il y a là, entre autres, Rolande Falcinelli et Robert Veyron-Lacroix).

Mais des ennuis familiaux motivent le retour à Cavaillon où, heureusement, le curé de la cathédrale vient lui demander de devenir son organiste, signe providentiel du destin. Elle y sera titulaire à 11 ans, comme toujours se débrouillant toute seule et découvrant avec étonnement les merveilles du bel instrument du XVIIème siècle.
13 ans : les acquis de Paris n’étant pas oubliés c’est avec la plus grande facilité qu’elle remporte au conservatoire d’Avignon les Prix de solfège et de piano à l’unanimité. Puis elle aborde l’harmonie sous la conduite d’Edouard Charles formé à l’Ecole Niedermeyer qui est un excellent musicien et organiste titulaire à Notre-Dame-des-Doms d’Avignon. Il devient vite un grand ami. Le devoir de concours vaudra à la jeune fille un premier Prix à l’unanimité incontestable puisqu’il est noté 10 sur 10 à Paris par Jean Gallon, le plus grand Maître en cette matière. Nantie du bagage apporté par ces quelques rencontres et par des contacts avec plusieurs organistes d’Avignon, Marie-Madeleine travaille son orgue avec passion tout en continuant à jouer tout le répertoire de piano.
C’est ainsi que, lorsqu’on annonce que Marcel Dupré vient donner un concert en l’église Saint-Agricol d’Avignon, c’est un éblouissement. Edouard Charles, les amis, les organistes et les organisateurs de ce concert parlent abondamment de Marie-Madeleine au Maître, qui, intéressé, accepte qu’on la lui présente. Elle est très intimidée par cette immense personnalité, mais frappée et charmée par l’attention qu’il lui porte avec tant de bonté. Courte conversation qui se termine par : "Ecrivez-moi et je vous donnerai un rendez-vous chez moi à Meudon après mon long séjour en Amérique, en mai 1939". Pendant les quelques mois qui séparent cette première entrevue à la tribune de l’orgue d’Avignon, de la visite à Meudon, Marie-Madeleine travaille avec des ailes tout le programme donné par le Maître dont le style l’a subjuguée, imprégnée aussitôt, et les Variations sur un Noël seront, dès lors, de tous les programmes !

... etc.

Marie-Madeleine Chevalier Duruflé accompagnée par Marcel Dupré est félicitée par le Président Herriot, à Lyon, en juin 1953 lors du concours Charles-Marie Widor, (collection : Eliane Chevalier).